Hello! Je reviens du salon du “vĂ©hicule intermĂ©diaire” organisĂ© par l’ADEME Ă  Millau, et c’était trĂšs intĂ©ressant, et trĂšs solarpunk.

Voici un peu de contexte et quelques photos.

L’ADEME a un programme, l’eXtreme DĂ©fi, pour financer des expĂ©riences de nouvelles mobilitĂ©s. Beaucoup des vĂ©hicules exposĂ©s participaient Ă  ce programme mais pas tous, et il y a de tout dans cette catĂ©gorie qui va de rĂ©inventions du vĂ©lo classique Ă  la voiture Ă©lectrique en passant par plein de dispositifs Ă  pĂ©dales ou non, motorisĂ©s ou non Ă  1, 2, 3 ou 4 roues, avec ou sans carosserie, avec ou sans panneaux solaires, etc
 Et c’est l’ADEME qui a organisĂ© cet Ă©vĂ©nement pour Ă©changer et collaborer.

J’y accompagnais des amis qui conçoivent le projet e-GoCar et ont amenĂ© en l’état leur prototype qui n’est pas encore achevĂ©.

La chose la plus sympa je trouvais Ă©tait l’énergie que chacun avait Ă  inventer “le monde d’aprĂšs” et ce, malgrĂ© des diffĂ©rences marquĂ©es: entre ceux qui pensent que la voiture Ă©lec est une fausse solution et ceux qui en prĂ©sentent, les associatifs, les startupers ou mĂȘme les industriels (pour le coup plutĂŽt des employĂ©s d’industries qui tentent de voir comment aider, Ă  ma grande surprise, je n’ai pas vu de tentatives d’appropriation du truc)

À la fin de la premiĂšre journĂ©e on a eu droit Ă  une projection du film “Low tech” qui m’a un peu rĂ©conciliĂ© avec la dĂ©marche (je le trouve toujours mal nommĂ©e mais je comprends mieux comment bosser avec eux). Moment sympa d’ailleurs, l’organisateur savait que deux personnes interrogĂ©es dans le film Ă©taient prĂ©sentes, BarnabĂ© Chaillot (un bricoleur-youtubeur dont je vous recommande la chaĂźne si vous aimez les low tech) et un membre du low-tech fablab de Concarneau, et a demandĂ© si d’autres personnes interrogĂ©es dans le film Ă©taient lĂ  et il se trouve que deux autres Ă©taient prĂ©sentes.

On a discutĂ© technique, Ă©conomie, philosophie, sociologie. J’ai eu des discussions trĂšs intĂ©ressantes avec le group de sociologues (l’ADEME paye des Ă©tudes de socio pour justement identifier des freins Ă  l’adoption de ces vĂ©hicules). On a parlĂ© dĂ©classement, identitĂ© culturelle des vĂ©hicules, rĂ©alisĂ© qu’il y avait en fait zĂ©ro parisiens dans la dĂ©marche alors qu’elle est souvent dĂ©criĂ©e comme un truc de bobo citadin (on Ă©tait surtout des ruraux en fait).

À la sĂ©ance de tests de vĂ©hicules j’ai croisĂ© Jammy de C’est pas Sorcier, aux anges dans un tricycle Ă©lectrique de compĂšt (pas le sien, il venait voir des choses).

J’ai essayĂ© celui ci-dessus et ça m’a fait comprendre pourquoi plein de crĂ©ateurs insistent sur le fait que ça n’a rien d’un vĂ©lo et rien d’une voiture. On a du mal Ă  y croire, parce que les pĂ©dales, les roues de cycle, ou la structure Ă  4 roues ramĂšnent Ă  des choses connues. Mais en fait non. Être seul dans un quasi-habitacle, Ă  pĂ©daler mais sans forcer, assis sans avoir Ă  s’équilibrer sur deux roues et une direction Ă  guidon mais contrĂŽlant une direction Ă  deux roues avant, c’est trĂšs diffĂ©rent.

Un ami m’a dit qu’il a essayĂ© un des vĂ©hicules Ă  4 roues mais en disposition en losange: un essieu central avec deux roues et une au milieu devant et une autre au milieu derriĂšre (dĂ©solĂ©, je l’ai pas en photos celui lĂ ) et qu’il donnait des sensations encore trĂšs diffĂ©rentes Ă  la conduite.

Une chose m’a fait plaisir: voir plusieurs vhĂ©lios, projet open-hardware avec lequel j’ai un peu travaillĂ©, non seulement ĂȘtre prĂ©sents mais y ĂȘtre sous forme de forks. C’est un vĂ©hicule pas parfait avec quelques limitations connues mais voir que des gens s’en sont emparĂ© et l’ont adaptĂ© Ă  leurs besoins m’a vraiment fait chaud au cƓur. L’open hardware, ça marche!

Quelques projets sympa:

  • Cette espĂšce de chenille de remorques de vĂ©lo qui permettent de disposer de belles capacitĂ©s de recharge pour une motorisation Ă©lectrique, parfaite reprĂ©sentante de l’école bricolo-Ă©colo.

  • Ce gars qui est venu avec sa roulotte auto-construite de 500 kg en pĂ©dalant, lentement au besoin, et sans moteur. J’ai aimĂ© sa dĂ©marche: lui ne promeut pas du tout ce mode de vie comme un modĂšle, mais expliquait que c’était son rĂȘve d’enfant, qu’il a toujours adorĂ© le camping et les rosalies et que ce qu’il exhortait c’était de suivre ses rĂȘves d’enfants et d’y croire un peu.

  • À l’autre extrĂȘme, ce prototype de vĂ©hicules, qu’on pourrait appeler une voiture Ă©lectrique, mais qui se distingue par une plus grande lĂ©gĂšretĂ© et simplicitĂ©

  • Ce bus scolaire Ă©lectrique et Ă  pĂ©dales, envers lequel, personnellement j’avais pas mal de critiques, voyant ça comme un downgrade du bus scolaire classique mais des utilisateurs m’ont expliquĂ© que l’avantage est que ces vĂ©hicules Ă©tant conduits par les enseignants, les sorties scolaires locales sont plus faciles Ă  organiser et donc plus frĂ©quentes. Leurs classes voient beaucoup plus de sorties qu’avec les bus classiques.

  • Cette voiturette verte Ă©lectrique Ă  pĂ©dales Ă©tait un peu la mascotte de l’évĂ©nement et a ouvert le cortĂšge.

  • Et enfin, ce vĂ©hicule qui a Ă©tĂ© pour moi une rĂ©vĂ©lation, et dont on a beaucoup parlĂ©: la Cixi. Les sociologues parlent de “sentiment de dĂ©classement” quand on propose des vĂ©hicules intermĂ©diaires. Autrement dit “Attends tu veux que j’achĂšte pour plusieurs milliers d’euros ton truc de pouilleux hippie-Ă©colo oĂč faut que je pĂ©dale et qui se traine Ă  45 km/h?”. La Cixi est un tricycle, qui se penche dans les virages, et qui monte Ă  120 km/h (on a pas eu le droit de l’essayer!) Elle est lĂ  dĂ©carossĂ©e mais a normalement une carrosserie fermĂ©e. Et ce qui m’a donnĂ© une leçon de design sont en fait des choix que pourraient faire plein de vĂ©hicules intermĂ©diaires.

  • Se pencher dans les virages, plusieurs autres vĂ©hicules le faisaient, mais tu vends une expĂ©rience de pilotage vraiment unique (normalement c’est trĂšs confortable avec une tenue de route sans commune mesure)
  • Mettre des siĂšges “de sport”, avec des ceintures de rallye, ça coĂ»te rien ni en poids ni en thunes, mais te place dans un trip trĂšs diffĂ©rent
  • Avoir 4 petits Ă©crans de contrĂŽle, ce qui a des raisons techniques tout Ă  fait lĂ©gitimes, te donnent aussi plus l’impression de monter dans un vĂ©hicule technique au lieu des 3 relais et d’un touchscreen qui suffiraient, c’est un choix qui lĂ  encore ne coĂ»te pas plus cher et ne pĂšse pas plus lourd mais change l’expĂ©rience.
  • Enfin, mais lĂ  c’est pas de choix de design, mais des obligations, le fait que les roues ne soient pas des roues de vĂ©lo (grosse roue de moto Ă  l’arriĂšre) rendent plus difficile d’assimiler ce vĂ©hicule Ă  un vĂ©lo (alors qu’il a des pĂ©dales!)

Je repars avec des contacts de OwnTech une boite fondĂ©e par des chercheurs-libristes qui veulent faire l’arduino de l’électronique de puissance, et qu’on va probablement utiliser dans un vĂ©hicule.

Je repars aussi avec des discussions plein la tĂȘte au sujet des imaginaires, des futurs, des envies et des possibilitĂ©s.

L’évĂšnement, organisĂ© aussi avec des institutionnels et la prĂ©fecture a rendu possible un dĂ©filĂ© de ces vĂ©hicules, pourtant non-homologuĂ©s, dans les rues de Millau, ce qui a Ă©tĂ© une petite vitoire symbolique trĂšs apprĂ©ciĂ©e, beaucoup des discussions tournant autour des difficultĂ©s d’homologation de certaines catĂ©gories. Malheureusement pas de photos de ce dĂ©filĂ© de ma part, j’étais en train de discuter anarchisme et logiciel libre avec un formateur de mĂ©canos Ă  la retraite.