Quel premier bilan dresser de la loi du 27 juillet 2023 contre l’occupation illicite des logements, dite loi « antisquat », aprĂšs un an d’application ? Le texte avait suscitĂ© de nombreuses critiques, dĂšs qu’il fut proposĂ© par les dĂ©putĂ©s Renaissance Guillaume Kasbarian et Aurore BergĂ©, entrĂ©s au gouvernement depuis.

Lire aussi | Article rĂ©servĂ© Ă  nos abonnĂ©s La proposition de loi « antisquat », censĂ©e protĂ©ger les propriĂ©taires contre l’occupation illicite, votĂ©e par les dĂ©putĂ©s

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Son objectif affichĂ© Ă©tait de dĂ©fendre les petits propriĂ©taires contre les impayĂ©s de loyer et contre le squat, quand bien mĂȘme la moitiĂ© du parc louĂ© est dĂ©tenue par des propriĂ©taires d’au moins cinq logements, selon une Ă©tude de l’Insee. Les associations de locataires et de lutte contre le mal-logement mais aussi la DĂ©fenseure des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et les rapporteurs spĂ©ciaux de l’ONU avaient dĂ©noncĂ© un texte dĂ©sĂ©quilibrĂ©, trop dĂ©favorable aux locataires et aux squatteurs.

Pour Christophe Demerson, qui a longtemps prĂ©sidĂ© l’Union nationale des propriĂ©taires immobiliers et dirige maintenant son magazine, « cette loi a un peu rassurĂ© les propriĂ©taires bailleurs, mĂȘme si la dĂ©cision du Conseil constitutionnel a brouillĂ© le message », dit-il en Ă©cho Ă  la censure, par les Sages, d’un article qui exonĂ©rait le propriĂ©taire de son obligation d’entretenir un logement squattĂ© et de sa responsabilitĂ© en cas de dommage Ă  un tiers dĂ» Ă  un dĂ©faut d’entretien. « J’ai l’impression qu’on voit moins de modes d’emploi du squat en ligne », salue-t-il Ă©galement.

« Situations surrĂ©alistes » Le constat que dresse Thibaut Spriet, secrĂ©taire national du Syndicat de la magistrature, concernant les impayĂ©s de loyers, est en revanche nĂ©gatif. « Il y a de plus en plus de procĂ©dures lancĂ©es pour de petites dettes, et les possibilitĂ©s et les dĂ©lais pour trouver des solutions ont Ă©tĂ© considĂ©rablement rĂ©duits ». Avec la nouvelle loi, le juge n’est plus en mesure d’accorder d’office des dĂ©lais de paiement Ă  un locataire. Il est requis que celui-ci en fasse la demande – or, la plupart des locataires ne sont pas au courant et ne sont pas prĂ©sents Ă  l’audience – et qu’il ait repris « le paiement du loyer courant ». De plus, ces dĂ©lais de paiement ont Ă©tĂ© ramenĂ©s de trois ans Ă  un an maximum.

L’imprĂ©cision du texte lui vaut d’ĂȘtre diversement interprĂ©tĂ© : certains juges demandent que ce « loyer courant » inclue les charges et les aides au logement, mĂȘme si la CAF a parfois suspendu le versement de ces derniĂšres. L’avocate Anne Caillet, qui dĂ©fend beaucoup de locataires de Seine-Saint-Denis, rapporte « des situations surrĂ©alistes, telle cette mĂšre d’un trĂšs jeune enfant, expulsĂ©e pour une dette de 1 500 euros, alors qu’elle avait rĂ©glĂ© son dernier loyer, hormis 20 euros de charges ».

Autre grief : les dĂ©lais sont accordĂ©s en fonction de la « bonne foi » du locataire. « L’un de ceux que nous accompagnons a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© de mauvaise foi parce qu’il avait rĂ©ussi Ă  rĂ©gler deux loyers avant l’audience, ce qui Ă©tait censĂ© montrer qu’il avait les moyens d’éviter les impayĂ©s », a tĂ©moignĂ© Marianne Yvon, responsable de l’Espace solidaritĂ© habitat de la Fondation AbbĂ©-Pierre, Ă  Paris, lors d’une confĂ©rence de presse, le 4 juin.

Une menace d’amende qui pĂšse trĂšs lourd Un des aspects trĂšs contestĂ©s de la loi a Ă©tĂ© la crĂ©ation d’une sanction pĂ©nale, sous la forme d’une amende de 7 500 euros, Ă  l’encontre des locataires qui se maintiennent dans les lieux Ă  l’issue des dĂ©lais fixĂ©s par la procĂ©dure d’expulsion. Les observateurs n’ont pas connaissance de propriĂ©taires ayant lancĂ© de telles poursuites. « Mais cette menace d’amende, assortie d’une inscription au casier judiciaire, pĂšse trĂšs lourdement, surtout pour les locataires qui ne pourraient pas renouveler leur titre de sĂ©jour s’ils Ă©taient ainsi condamnĂ©s », selon Marianne Yvon.

Quant aux quelques mesures visant Ă  amĂ©liorer la prĂ©vention des expulsions, elles dĂ©pendent en partie de dĂ©crets d’application que le gouvernement n’a pas encore publiĂ©s. « C’est notamment le cas d’une disposition donnant aux commissaires de justice [ex-huissiers de justice] un rĂŽle social, par la collecte d’informations auprĂšs des locataires auxquels ils remettent un commandement de payer », souligne BenoĂźt Santoire, prĂ©sident de la Chambre nationale des commissaires de justice.

Me Caillet rĂ©sume le sentiment gĂ©nĂ©ral : « Les dĂ©cisions d’expulsions sont devenues plus rapides, et plus nombreuses. » Une impression qui ne peut toutefois pas ĂȘtre corroborĂ©e par le ministĂšre de la justice, puisqu’il a cessĂ© de dĂ©compter ces dĂ©cisions aprĂšs 2019. Le seul chiffre connu est celui des expulsions forcĂ©es – quand le propriĂ©taire a demandĂ© et obtenu le concours de la force publique, si le locataire n’est pas parti de lui-mĂȘme Ă  l’issue de la procĂ©dure.

En 2023, 21 500 mĂ©nages ont Ă©tĂ© expulsĂ©s, en hausse de 23 % en un an, mais c’est le chiffre de 2024 qui permettra de vraiment mesurer l’impact de la nouvelle loi : du fait de l’engorgement des tribunaux, « il faut compter 5 Ă  18 mois pour obtenir une dĂ©cision du juge », relĂšve en effet BenoĂźt Santoire. Me Caillet s’attend Ă  une forte progression en Seine-Saint-Denis : « Le prĂ©fet accorde parfois en quelques jours le concours de la force publique, alors qu’il faut attendre plusieurs mois avant d’obtenir une audience pour demander un dĂ©lai avant de quitter les lieux. » Et ce dĂ©lai ne peut excĂ©der un an, au lieu de trois ans prĂ©cĂ©demment.

Peines multipliĂ©es par trois La rĂ©pression des squats s’est elle aussi intensifiĂ©e, selon l’avocat Matteo Bonaglia, qui cite l’exemple d’« une dame de 72 ans, laissĂ©e avec tous ses meubles sur le trottoir ». Il ne s’en Ă©tonne pas : « C’est parce que la loi Kasbarian-BergĂ© augmente mĂ©caniquement les expulsions, et donc le nombre de mĂ©nages susceptibles de se tourner vers le squat faute de logements abordables et d’hĂ©bergements d’urgence, qu’elle comporte aussi un important volet antisquat. »

Les peines ont Ă©tĂ© multipliĂ©es par trois, pour atteindre jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende en cas de squat de domicile. Le nombre de procĂ©dures engagĂ©es au pĂ©nal pour maintien dans les lieux Ă  la suite d’une violation de domicile a progressĂ© de 25 % depuis l’entrĂ©e en vigueur de la loi : il est passĂ© de 299 sur la pĂ©riode aoĂ»t-dĂ©cembre 2022 Ă  374 sur la pĂ©riode aoĂ»t-dĂ©cembre 2023, selon les chiffres communiquĂ©s au Monde par le ministĂšre de la justice. Idem pour les condamnations, passĂ©es de 83 Ă  104.

La nouvelle loi a aussi facilitĂ© les expulsions de squats, au point que le passage devant un juge judiciaire est devenu « rarissime », selon Matteo Bonaglia. Il est maintenant possible de demander au prĂ©fet une expulsion forcĂ©e accĂ©lĂ©rĂ©e, sous sept jours, pour le squat de tout local d’habitation, mĂȘme inhabitĂ©, alors que cela n’était auparavant possible, sous 48 heures, que pour le squat d’un domicile (depuis 2007) ou d’une rĂ©sidence secondaire ou occasionnelle (depuis 2020). De plus, le squat de tout local Ă  usage d’habitation, ou Ă  usage commercial, agricole ou professionnel, « c’est-Ă -dire le squat de la quasi-totalitĂ© des bĂątiments », dĂ©crypte Me Bonaglia, est devenu passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende, alors que seule la violation de domicile Ă©tait jusqu’ici considĂ©rĂ©e comme un dĂ©lit.

« Les forces de l’ordre interviennent dĂ©sormais sur la base de ce nouveau dĂ©lit, placent les occupants en garde Ă  vue et restituent dans le mĂȘme temps le bĂątiment au propriĂ©taire, ce qui constitue une expulsion de fait, illĂ©gale selon moi aussi longtemps que l’infraction n’est pas caractĂ©risĂ©e », dĂ©crit l’avocat. Dans ce cas de figure, comme lors d’une expulsion forcĂ©e accĂ©lĂ©rĂ©e, le propriĂ©taire Ă©vite une procĂ©dure contradictoire devant un juge judiciaire, qui aurait pu accorder un dĂ©lai avant l’expulsion et/ou le bĂ©nĂ©fice de la trĂȘve hivernale. Cela confirme, selon Matteo Bonaglia, que « l’esprit qui anime cette loi est celui d’une protection absolue de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de la rente locative, au prĂ©judice des plus vulnĂ©rables ».

  • Klaqos@sh.itjust.worksOP
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    2 months ago

    Une des questions qui se pose est la suivante : dans un État dont l’une des mission.est de protĂ©ger les populations les plus vulnĂ©rables (dont Ă©conomiquement) et d’un autre cĂŽtĂ© de garantir la jouissance paisible d’un bien (ici immobilier), est-ce que la mise en oeuvre d’une lĂ©gislation pareille est Ă©quilibrĂ©e ?

    L’intĂ©gralitĂ© des professionnels du secteur social et du logement social ont Ă©tĂ© critiques de cette mesure. L’extrĂȘme-droite a soutenu comme elle soutient tout ce qui est punitif. La droite est traditionnellement pro-propriĂ©taire.

    Reste que la rĂ©alitĂ© statistique de la distribution des propriĂ©taires immobiliĂšres contredisent la motivation principale de la loi, que les mĂ©canismes assurantielles sur les impayĂ©s existent et sont opĂ©rationnels. Y’a une forme mystification assez balaise sur cette loi et on peine encore a en mesurer les dĂ©gĂąts.

    Car lĂ  oĂč t’as un proprio endettĂ© d’un cĂŽtĂ© (qui a plusieurs biens immobiliers), tu as une famille Ă  la rue de l’autre.

    Édit sur les fake news : https://www.mediapart.fr/journal/france/300723/loi-anti-squat-une-avalanche-de-fake-news-contraint-les-sages-rappeler-le-droit

    • azertyfun@sh.itjust.works
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      2 months ago

      Je ne suis vraiment pas de droite, et loin d’ĂȘtre multipropriĂ©taire, mais 1 an de dĂ©lai de paiement c’est
 dĂ©jà beaucoup, non ? Que ça soit 1 an ou a fortiori 3 ans, si quelqu’un est tellement misĂ©reux qu’iel accumule des mois d’impayĂ©s, c’est de toute façon un trou d’une profondeur dĂ©sespĂ©rante dont l’espoir de se sortir est mince. Faire payer les bailleurs (directement) ou les locataires (indirectement, parce que les fonds d’assurances viennent bien de quelque part) ça ne fait que mettre une pression supplĂ©mentaire sur le marché du locatif pendant que les propriĂ©taires se la coulent douce dans leur pavillon. Quand je lis les tĂ©moignages de français qui doivent quasiment filer toute leur correspondance sur trois ans pour prouver leur capacitĂ© de paiement d’un 15mÂČ, c’est vraiment profondĂ©ment choquant.

      Pourquoi tant se focaliser sur le « droit » de squatter, plutĂŽt que de mettre la pression pour construire plus de logements sociaux dans plus d’endroits (il me semble que vous avez le mĂȘme problĂšme qu’en Belgique avec les communes de richards qui refusent de construire du social) ? Le logement dĂ©cent est un droit humain, et au moins ça rĂ©partirait la charge sociale sur toute la sociĂ©tĂ© plutĂŽt que de la restreindre au marché du locatif. Enfin je sais pas c’est peut-ĂȘtre naif, mais intuitivement et sans ĂȘtre spĂ©cialiste de la question, rendre le marchĂ© locatif privĂ© responsable (de maniĂšre alĂ©atoire et inĂ©gale) des Ă©checs du logement social ça ne me parait ni juste ni pĂ©renne.

      • Klaqos@sh.itjust.worksOP
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        2 months ago

        Je rĂ©pondrai en dĂ©tail plus tard, c’est intĂ©ressant mais il s’agit moins d’un droit Ă  squatter que du droit Ă  avoir un toit. Et effectivement la responsabilitĂ© ne doit pas qu’incomber aux propriĂ©taires, c’est d’ailleurs tout l’intĂ©rĂȘt des plaidoyers des associations, fondations, fĂ©dĂ©rations de ce secteur. La rĂ©duction Ă  la vision unique du squattage permet de mettre en oeuvre des lĂ©gislations toujours plus pĂ©nalisantes pour les plus faibles sans proposer derriĂšre des solutions en contrepartie, ce qui en plus ne rĂšgle pas le problĂšme participe mĂȘme Ă  son accroissement.

        • azertyfun@sh.itjust.works
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          2 months ago

          Oui du coup je crois qu’on est d’accord sur l’essentiel. Mon problĂšme c’est cette focalisation sur la loi antisquat qui dĂ©laisse le dĂ©bat de fond sur le logement social. Comme sur pas mal de sujets « de gĂŽche » je pense qu’il faut travailler la dialectique, parce que lĂ  on sert du rĂ©chauffĂ© pour ceux qui sont dĂ©jà d’accord sur le principe et on donne une opportunitĂ© en or pour la droite de se victimiser.

          « Loi antisquat : 25 % d’expulsions supplĂ©mentaires, mais (+/- xx % de logements sociaux en zone tendue) » ça aurait Ă©tĂ© beaucoup plus pertinent comme approche pour recentrer le dĂ©bat sur une solution structurelle ÀMHA.

      • Klaqos@sh.itjust.worksOP
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        2 months ago

        La rĂ©action outrĂ©e du prĂ©sident de LR n’a fait que s’ajouter Ă  d’innombrables tweets, publiĂ©s ces derniers jours par des Ă©lus LR, RN mais aussi Renaissance, dont les positions ont Ă©tĂ© largement relayĂ©es par des mĂ©dias comme CNews.

        « La dĂ©cision du [Conseil constitutionnel] qui fait suite Ă  sa saisine par des dĂ©putĂ©s d’extrĂȘme gauche [et qui] a invalidĂ© l’article 7 de la loi « anti-squat » est d’une absurditĂ© totale. DĂ©sormais un squatteur peut poursuivre un propriĂ©taire s’il ne vient pas entretenir son logement. OĂč va-t-on ? La prochaine Ă©tape c’est de leur remplir le frigo ? », raillait vendredi sur Twitter Louis Aliot, le maire de Perpignan et premier vice-prĂ©sident du Rassemblement national. Avant d’en repasser une couche samedi : « J’ai hĂąte de voir les squats de biens de ces messieurs (sic) “les sages”
 faudra un jour qu’ils sortent de leurs taniĂšres dorĂ©es pour comprendre ce que vivent nos citoyens. »

        L’ex-LR passĂ© Ă  Renaissance Renaud Muselier, prĂ©sident de la rĂ©gion Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur, avait lui aussi retweetĂ© l’article du Figaro Immobilier sous ce message : « IncomprĂ©hensible et kafkaĂŻen. Comment peut-on s’éloigner autant de la notion mĂȘme de justice ? Le squat est un drame, une catastrophe pour des milliers de Français dĂ©semparĂ©s, dĂ©munis. Et les squatteurs sont des dĂ©linquants, voilĂ  ce qu’il faut rappeler ! »

        La polĂ©mique a trouvĂ© une place de choix sur le plateau de la chaĂźne d’extrĂȘme droite CNews. Sous un bandeau clamant « Squat : le calvaire des propriĂ©taires », William Thay, prĂ©sentĂ© comme politologue, dĂ©clarait ainsi : « Au dĂ©part, quand j’ai vu ça, j’ai rigolĂ©, je me suis dit : on peut pas tomber plus bas. Mais finalement, les juges arrivent toujours Ă  nous faire tomber plus bas. » « Le point que je vois, c’est qu’il y a une continuitĂ© dans les dĂ©cisions de justice, dans les dĂ©cisions du Conseil constitutionnel et des magistrats de la Cour de cassation et du Conseil d’État : on pratique l’inversion des valeurs. On pense davantage Ă  la sĂ©curitĂ© ou Ă  la rĂ©insertion du potentiel criminel plutĂŽt qu’à la sĂ©curitĂ© des victimes », poursuivait-il.

        « Bobard de l’extrĂȘme droite » Face Ă  cette pluie de contre-vĂ©ritĂ©s, la plus haute juridiction administrative a visiblement estimĂ© samedi que la coupe Ă©tait pleine. Les « Sages », qui avaient Ă©tĂ© saisi·es par les prĂ©sidents des groupes LFI, Socialistes et Gauche dĂ©mocrate et rĂ©publicaine pour demander la censure de la loi « visant Ă  protĂ©ger les logements contre l’occupation illicite » du dĂ©putĂ© Guillaume Kasbarian (Renaissance, parti prĂ©sidentiel), adoptĂ©e au Parlement le 14 juin, ont ainsi publiĂ© un communiquĂ© intitulĂ© : « Le Conseil constitutionnel infirme de fausses interprĂ©tations donnĂ©es Ă  sa dĂ©cision. »

        « Sur la base de la dĂ©cision qu’il a rendue publique le 26 juillet 2023 sur la loi visant Ă  protĂ©ger les logements contre l’occupation illicite, divers commentateurs ont cru devoir affirmer que le Conseil constitutionnel aurait dĂ©cidĂ© que, dĂ©sormais, tout occupant illicite d’un logement pourrait obtenir rĂ©paration du propriĂ©taire si le bien occupĂ© est mal entretenu », Ă©crivent ses membres.

        « Telle n’est nullement la portĂ©e de la dĂ©cision du Conseil constitutionnel qui, par la censure de l’article 7 de la loi dĂ©fĂ©rĂ©e, a pour seul effet de maintenir l’état du droit en ce domaine, qui n’est pas celui dĂ©crit par ces commentateurs », rectifient-ils.

        « Les motifs de la censure prononcĂ©e par le Conseil constitutionnel ne privent pas le lĂ©gislateur de la possibilitĂ© de rĂ©former ce mĂȘme Ă©tat du droit pour amĂ©nager la rĂ©partition des responsabilitĂ©s entre le propriĂ©taire et l’occupant illicite. Ils se fondent sur la nĂ©cessitĂ© que, ce faisant, demeurent protĂ©gĂ©s les droits des tiers victimes de dommages », dĂ©taillent-ils enfin.

        En clair, cela signifie que contrairement Ă  ce qui a pu ĂȘtre affirmĂ©, la censure de l’article 7 de la loi n’implique pas que les squatteurs pourront exiger un meilleur entretien du bien immobilier. Comme l’a expliquĂ© sur Twitter l’avocat du barreau de Paris « MaĂźtre Eolas », qui fustige « un bobard de l’extrĂȘme droite », les « tiers victimes » Ă©voquĂ©s par le Conseil constitutionnel peuvent par exemple ĂȘtre des passants dans la rue, qui subiraient la chute d’une tuile.

        Le maintien de l’article 7 aurait dĂ©chargĂ© « le propriĂ©taire (solvable et probablement assurĂ©) de sa responsabilitĂ©, qui le pousse Ă  entretenir son bien pour Ă©viter qu’il devienne dangereux », explique l’avocat. Et il aurait rendu responsable les squatteurs, « qui sont gĂ©nĂ©ralement insolvables et incapables d’entretenir le bien », souligne-t-il. L’article censurĂ© offrait, selon lui, « un recours illusoire contre des marginaux sans domicile ni fortune, qui portait une atteinte disproportionnĂ©e au droit des victimes d’ĂȘtre indemnisĂ©es ».

        À lire aussi Loi « anti-squat » : condamnĂ©e par l’ONU, adoptĂ©e par l’AssemblĂ©e nationale Au-delĂ  de la censure de ce fameux article, le Conseil constitutionnel a validĂ© l’ensemble de cette loi dite « anti-squat » combattue par la gauche. Le texte, qui triple les sanctions encourues par les squatteurs – jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende –, a Ă©tĂ© promulguĂ© par Emmanuel Macron jeudi. La proposition de loi avait d’emblĂ©e suscitĂ© une levĂ©e de boucliers parmi les associations de lutte contre le mal-logement, qui dĂ©nonçaient une machine Ă  multiplier les expulsions.

        AprĂšs s’ĂȘtre attirĂ© les foudres de la DĂ©fenseure des droits comme de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), la proposition de loi dĂ©fendue par la majoritĂ© avait Ă©galement provoquĂ© de vives critiques en provenance de l’ONU.

        Dans une lettre de huit pages, rendue publique le 4 avril, jour du vote solennel Ă  l’AssemblĂ©e nationale, le rapporteur spĂ©cial de l’ONU sur le logement convenable, Balakrishnan Rajagopal, et le rapporteur spĂ©cial sur l’extrĂȘme pauvretĂ© et les droits humains, Olivier De Schutter, faisaient part de leur inquiĂ©tude au sujet d’un texte qui risque de conduire Ă  « une violation, par la France, de ses engagements internationaux ».