CerneĢ en France par 200 creĢanciers coaliseĢs, le fondateur du groupe de teĢleĢcoms et de meĢdias Altice ne deĢsarme pas. Lui qui a fait de lāendettement une strateĢgie de deĢveloppement aĢ part entieĢre.
Cāest lāhistoire dāun homme qui se tourne et se retourne dans son lit, incapable de trouver le sommeil. Son eĢpouse lui demande pourquoi. Ā« Je dois 10 000 francs au voisin et je dois lui rendre demain Ā», reĢpond-il. Ā« Et alors ? sāeĢtonne sa femme. Attends. Ā» Elle se leĢve, ouvre la feneĢtre et crie au voisin : Ā« Les 10 000 francs que mon mari te doit, il ne te les remboursera jamais. Ā» Elle referme la feneĢtre et se tourne vers son eĢpoux : Ā« Maintenant, tu dors. Lui, non. Ā» Cette blague vaseuse, Patrick Drahi lāaime par-dessus tout. Ā« Cāest sa preĢfeĢreĢe, elle le fait rire aux eĢclats Ā», racontent plusieurs de ses connaissances.
Un avant-gouĢt de ce qui attend les creĢanciers dāAltice ? Le 20 mars dernier, en marge de la preĢsentation des reĢsultat 2023 du groupe de teĢleĢcoms et de meĢdias, lāhomme dāaffaires a enfileĢ les gants de boxe. Et engageĢ un jeu risqueĢ avec ses preĢteurs. Assis sur 24 milliards dāeuros de dettes en France, il leur a offert un choix : au mieux, ils acceptent de renoncer aĢ 10 milliards de creĢances, soit une deĢcote de plus de 40 % ; au pire, ils ne verront pas la couleur de leur argent.
Un effort neĢcessaire, estime Patrick Drahi, pour remettre son empire chancelant sur les rails. SFR a perdu plus dāun demi-million dāabonneĢs au premier trimestre 2024. Et le chiffre dāaffaires continue de plonger, de 3,8 % sur trois mois. Le tout sur fond dāenqueĢte du Parquet national financier pour corruption et de mise en accusation, au Portugal, de lāassocieĢ de toujours, Armando Pereira.
Holding seĢcuriseĢ
Pour sortir de cette spirale infernale, le groupe a commenceĢ son deĢmanteĢlement : les centres de donneĢes ont eĢteĢ ceĢdeĢs pour 500 millions en novembre 2023, puis Altice Media a eĢteĢ racheteĢ deĢbut mars par CMA CGM pour 1,5 milliard. La vente des activiteĢs en ReĢpublique dominicaine a, elle, eĢteĢ mise en pause, faute dāoffres satisfaisantes. Ces cessions auraient pu servir aĢ rembourser la dette. Mais Patrick Drahi en a deĢcideĢ autrement. Prenant tout le monde de court, il a tenteĢ de porter le coup de graĢce aĢ ses creĢanciers. Et annonceĢ que les actions dāAltice Media et des centres de donneĢes seraient placeĢes dans un holding sur lequel les preĢteurs nāont pas de prise. Traduction : sans sacrifice de leur part, lāargent lui revient. La crainte ? Quāil ne se verse des dividendes depuis cette structure, sans rembourser. Un pari dangereux qui se reĢglerait au tribunal. Ā« Il leur a dit : āJe mets lāargent dans une valise et je cours dans le premier trainā Ā», ironise un observateur. Rien de surprenant, juge un banquier dāaffaires : Ā« Drahi, cāest un filou au bord du gouffre qui a une foi en lui-meĢme ineĢbranlable. HypercreĢatif, il ne se range jamais du coĢteĢ du raisonnable. āÆĀ»
Furieux, les preĢteurs ont contre-attaqueĢ en signant un accord de coopeĢration, un dispositif venu des Etats-Unis, jamais utiliseĢ en France, qui permet de parler dāune seule voix. Ces 200 creĢanciers coaliseĢs ā essentiellement de grands fonds anglo-saxons ā repreĢsentent aĢ eux seuls plus de 17 milliards de dette, et menacent de prendre le controĢle dāAltice France en eĢchangeant la dette contre des actions.
Chaque clan aiguise ses armes. Le premier round des neĢgociations vient de deĢmarrer. Mi-juillet, Altice a fait une premieĢre proposition aĢ ses creĢanciers. Les discussions devraient se poursuivre pendant plusieurs mois. On imagine le roi de la finance deĢchu, le front perleĢ de sueur. Ā« Il a fait un vrai faux pas, et ne sāattendait pas aĢ une coalition Ā», siffle-t- on. Une source ajoute : Ā« Il a toujours cru que les marcheĢs financiers pouvaient eĢtre spolieĢs. Cette arrogance se retourne contre lui. Ā»
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