Il surfait sur la vague du centre. Mais le bras de fer autour de la loi sur l’immigration a déplacé l’ancrage politique de la Macronie, et la rapproche aujourd’hui des projets que défend depuis longtemps la droite radicale française, commente ce quotidien de centre gauche. Qui trouve ce pas dangereux.
Le “macronisme” est mort, et ce définitivement, il faut bien le reconnaître. Décédé peu avant Noël 2023, à l’occasion d’un vote à l’Assemblée nationale. Jusque-là, par macronisme, les Français entendaient ce cap au centre, d’un flou tout à fait délibéré, qu’avait adopté leur président, Emmanuel Macron. À force de brouter toujours un peu à droite et un peu à gauche du centre, il avait conquis une prairie. Et, ainsi, les anciens grands partis modérés traditionnels étaient censés avoir presque disparu, être devenus obsolètes. Selon les mots de Macron lui-même, à cette tactique correspondait une formule aujourd’hui célèbre : “En même temps”. Et il s’en est bien souvent servi, non sans succès. Mais c’est fini.
La nouvelle loi sur l’immigration, que Macron tenait impérativement à faire passer cette année, littéralement à tout prix, constitue une césure. Elle représente une concession si grossière à la droite que plus jamais la gauche modérée ne pourra se rallier à lui. Bien sûr, le gouvernement a constamment besoin d’aide depuis qu’il a perdu sa majorité absolue lors des élections de 2022. Il doit donc faire des compromis, mais cette loi va au-delà du compromis : c’est une compromission. Ainsi le gouvernement a-t-il vendu son âme.
Une rupture nette avec l’“égalité”
Il est fort possible que l’aile progressiste de son parti décroche un peu plus de Macron désormais, et que plusieurs de ses ministres ancrés plutôt à gauche quittent le gouvernement en signe de protestation. Peut-il ne pas s’en soucier ? Il n’est pas supposé se représenter en 2027, car la Constitution [n’autorise] que deux mandats présidentiels. Mais on est encore bien loin de 2027.
C’est Marine Le Pen qui triomphe aujourd’hui, la politicienne qu’il s’était solennellement engagé à stopper, et qui lui avait justement permis par deux fois d’être élu. La dirigeante du Rassemblement national, d’extrême droite, décrit la nouvelle loi sur l’immigration comme sa “victoire idéologique”. À juste titre.
Si la Cour constitutionnelle n’intervient pas, le vieux rêve de Le Pen, celui d’une préférence nationale accordée aux Français, deviendra réalité. Conformément au texte de la nouvelle loi, même les étrangers qui travaillent et paient des impôts en France devront attendre trente mois avant d’obtenir le droit aux prestations sociales. C’est une rupture nette avec l’égalité, si importante pour cette république, dont elle est si fière. Pour ne rien dire de la fraternité.
Un cadeau de Noël inespéré
Les optimistes parmi les macronistes escomptent que cette loi rigoureuse va leur permettre de couper l’herbe sous le pied aux lepénistes - et que les électeurs se diront alors qu’ils n’ont pas du tout besoin de voter pour Le Pen s’ils souhaitent voir appliquer sa politique. Or c’est le contraire qui paraît plus probable : d’habitude, les électeurs ont tendance à préférer l’original à la copie.
D’une certaine façon, l’original en question s’en trouve un peu plus légitimé, voire presque totalement dédiabolisé. Le Pen, on le sait, fait tout son possible pour modifier l’image de son parti, afin que celui-ci donne l’impression d’être le plus normal possible. Et, manifestement, cela fonctionne à la perfection. Selon les sondages les plus récents, les Français qui considèrent que Le Pen est éligible sont pour la première fois une majorité. Le nombre de ceux qui continuent à la situer en dehors de l’“arc républicain” ne cesse de diminuer.
La loi sur l’immigration de Macron donne un nouveau coup de pouce à ce processus de normalisation du parti de Le Pen. Pour cette dernière, c’est comme un cadeau de Noël inespéré.
Vu de France aussi.
Même radiofficielle est mitigé
https://www.france24.com/fr/france/20231220-loi-immigration-le-jour-où-emmanuel-macron-a-offert-une-victoire-politique-à-l-extrême-droite
ouais… c’est la merde, franchement la honte.